Faut-il tirer le·la premier·ere ?

" Chère maman,

Si aujourd’hui tu es amenée à lire ou entendre ces quelques lignes c’est que j’aurais décidé de m’en aller sans t’en parler. Ne m’en veux pas s’il-te plaît, les choses sont déjà bien assez dures comme ça… J’imagine que tu auras des tas de questions et que tu te demanderas pourquoi tu n'as rien vu venir. C’est pourquoi je t’écris ces quelques lignes à cœur ouvert, sans plus te mentir cette fois, je te le promets.

Maman, le sourire que tu vois sur mon visage n’est qu’une façade qui en réalité cache un cœur meurtri, brisé par le silence et les coups d’autrui parfois dits involontaires, mais qui m’ont mis plus d’une fois le genou à terre. Si à travers tes yeux j’avais l’impression d’être merveilleuse et généreuse, d'autres au contraire me voyaient comme une erreur de la nature, une abomination à abattre.

Inutile, fantôme, sale moche, sale grosse, garçon manqué. Voilà comment on m’a nommée pendant des années. J’ai essayé de lutter mais je n’en peux plus, j’étouffe, je suis à bout de souffle… C’est pourquoi je m’en vais, je suis désolée…

Je t’aime maman. "

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Ce que vous venez d’entendre, ce sont les lignes que j’avais écrites  pour mon ultime adieu, Tout était préparé. Je voulais partir parce que j’avais trop enduré, trop pleurer… J’avais toujours laissé aux autres le plaisir de tirer en premier. Alors, je pensais qu’en mettant l’arme sur ma tempe, je tirerai pour leur faire cesser le feu. Mais la cible n’était pas la bonne. Et ce tir aurait été mon dernier.

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Toute ma vie j’ai été gentille, toute ma vie  je me suis tue faisant au mieux pour ne pas déranger. Tellement polie, que je tendais presque l’arme pour offrir le plaisir de tirer en premier.

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Je les ai laissés me rouer de coups. Leurs coups étaient si forts qu’il n’y avait même pas de possibilité de répliquer. Encaisser, recevoir, ramasser… J’étais leur punching-ball préféré. La cible sur laquelle on s’essayait au tir.  

Ce n’est sans dire qu’ils avaient un pouvoir revolver, un regard qui tuait. Ils avaient tiré les premiers, j’étais touchée, je croyais que j’étais foutue.

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Trop d'années j’ai laissé aux gens l’opportunité de tirer en premier, trop d’années je les ai laissé me bousiller, trop d’années j’ai cru qu’il était normal qu’ils tirent en premier.

Mais un jour, j’ai décidé de changer de place, que je ne devais plus être la cible, m’autorisant ainsi à pouvoir enfin devenir celle qui part au front pour défendre mes valeurs et tout ce que je suis.

Ce soir je prends ma revanche.

Ce soir, je prends les devants et je souhaite de tout coeur réveiller celui ou celle d’entre vous qui pense que son existence est une erreur de mère nature.

Élève ta voix, élève ta voix et autorise-toi! Nous serons nombreux à vouloir t’écouter. Tire le premier et nous serons debout pour t’acclamer.

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Oublie cette habitude inculquée où tu n’as le droit éventuellement que de répliquer, donne la charge. Tire le premier, et attention ça ne veut pas spécialement dire blesser autrui, mais  c’est surtout arrête d’attendre d’être sidéré par la capacité du chargeur de l’autre. Tirer le premier c’est tracer son chemin soi-même, sans être pertubé par les balles tirées à côté. Apprenons à tirer les premiers ! Tirer profit dans ce que l’on vit,  tirer un trait sur les choses qui nous déplaisent,  c’est en agissant ainsi que notre tir sera le plus précis.

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Alors n’hésitons plus, saisissons-nous de toutes les armes que nous possédons pour que nous devenions roi et reine de notre propre situation. Cessons de subir. Pour enfin savourer, profiter.

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Et particulièrement nous Mesdemoiselles, Mesdames. Il est temps de nous libérer des limites que la société nous a imposées. Ne prêtons plus attention aux stéréotypes de genre auxquels l’arme en elle-même a été associée pendant si longtemps.

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On a tellement répété aux femmes de ne pas tirer les premières que tout nous a été enlevé.

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Ne tire pas la première, ne tire pas parti. Patience. Continue à attendre, prends des coups. Mais jusqu’à quand pouvons-nous continuer à encaisser ? Sois patiente, ne bouge pas trop, attends ton tour.

En termes de patience, de défense et de passivité pour ma part j’ai donné. Je comprends qu’aujourd’hui on entende des femmes hurler, pour porter les voix de milliers d’entre nous. Parce qu’elles en ont eu assez de laisser l’honneur aux hommes.

Tirer la première n’est pas un crime c’est simplement prendre la liberté de tout rééquilibrer.

Les gardiens et gardiennes de la paix vous diront peut-être que pour trouver l’équilibre, il ne faut juste pas tirer du tout. Mais comment retrouver l’équilibre après des années à encaisser, après des années assises sur le banc de touche à regarder les gens évoluer ?

Peut-être qu’il faudra cesser le feu un jour, peut-être qu’un jour je serai de l’autre côté, mais pour l’instant laissez-moi savourer d’être première car je pense que pour retrouver l’équilibre il est crucial que nous continuions de nous faire entendre.

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Marre d’attendre et de m’adapter. J’ai envie de prendre les devants et de vivre. Ce soir, il fallait que je tire la première, j’ouvre le bal et je prends le risque. Je me présente face à vous.

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Quel plaisir de me libérer du stress pour pouvoir profiter des discours des sept brillantes personnes qui me succéderont.

Je pars en éclaireuse et je reprends le contrôle.

Imane c’est un peu cavalier et j’en suis désolée, mais c’était un besoin pressant de ne plus m’oublier, il était nécessaire que je tire avec tous mes mots…

En contrepartie, je te propose de t'aligner à mes côtés. Que nous nous mettions côte à côte, que nous tirions en même temps. Nous serions ensemble, pour tirer les premières.

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