Depuis des siècles, notre chère société traditionnelle tente de nous convaincre que le mariage est la concrétisation d’un amour sincère, solide et absolu.
Le mariage nous est vendu comme l’acte noble qui confirmera l’amour véritable entre deux êtres.
L’être humain a la mémoire courte.
Mesdames, messieurs, mais surtout mesdames. Permettez-moi de vous rappeler qu’à l’origine, le mariage est une institution profondément patriarcale.
Cette merveilleuse idée repose sur le principe que la femme ne peut subvenir seule à ses besoins. Dépendante
Incapable de réfléchir par elle-même afin de prendre les décisions qui la concerne. Ignorante.
La tutelle du père doit être assurée par celle du mari. Troquée.
Elle est soumise à l’autorité du mâle. Obéissante.
Cette alliance, qu’elle soit d’or, d’argent ou de toc, n’est autre que le symbole parfait de la possession.
Le mariage sonne le glas de l’amour parce qu’il en fait une acquisition. Business. Fabuleuse trinité liant contrat, pouvoir et... rendement !
Oui mesdames, vos devoirs conjugaux vous imposent évidemment d’être en mesure de procréer. Il va de soi qu’il est nécessaire qu’un héritier puisse garantir la protection du patrimoine. Et si vous avez le malheur de ne pas être fertile – parce qu’en effet, la fertilité est une affaire qui concerne uniquement les femmes – vous provoquerez la colère de vos investisseurs.
Si aujourd’hui le mariage se drape de romantisme, il reste une escroquerie consentie.
Tout le monde joue le jeu d’un bonheur à venir. Chacun idéalise, embellie, mythifie, mystifie l’autre... Le fantasme du mariage vous enveloppe dans un monde superficiel. Un semblant de perfection. Et les noces n’échappent pas à la règle !
Présentées comme le plus beau jour de votre vie. Frissons, émotions, rires et gourmandises garantis. Le bonheur ultime. Quelle invention !
Les promoteurs se gardent bien de vous préciser l’angoisse suscitée, les discordes à gérer et tout l’argent à débourser.
Des dépenses affolantes.
Un dévouement.
Des sacrifices. Tout ça pour que Simone se plaigne du buffet. Que Gérard juge la marque de champagne trop cheap. Que Nadia considère la déco banale. Et que tous critiquent votre couple sans avoir l’audace de vous l’avouer.
Croire à l’amour impérissable grâce à la présence de deux témoins, des tonnes d’invités, un maire et un morceau de papier est un leurre.
Et est même bien le contraire: au lieu de pérenniser l’amour, le mariage est un accélérateur d’une obsolescence programmée.
Si la durée du mirage est indéterminée, le désenchantement ne tarde jamais à pointer le bout de son nez.
Le mariage travestit l’amour.
Il l’enrobe.
Il lui accorde une allure si parfaite qu’au lendemain de la fête, le réveil est brutal.
Les aspirations des époux sont si intenses que l’amour, par essence fragile, ne peut y résister. Il est battu d’avance.
Les biens aimés finissent tous par constater que le mariage les a trompés.
Il l'enlaidit. Elle lui déplaît. Il l’a réduit. Elle est désenvoutée. Game over. Ils ont atteint le dernier niveau.
Le jeu est terminé. L’excitation disparaît. Le fossé se creuse. L’amour est mort. Tout compte fait, ils se connaissent trop ou pas assez. Coincés dans une routine qui ne leur correspond plus. Ils étouffent.
Ils ont consommé le mariage et maintenant veulent consommer leur liberté.
Parmi les individus ayant fait l’expérience du mariage, il y a des résistants, des valeureux, des rescapés. Peut-être vos parents. Vos grands-parents. Ils vous émerveillent. Vous rendent fiers.
Mais ceux-là ne prétendent pas à un amour élevé grâce au mariage.
Ils sont de ceux qui renoncent au divorce.
Effrayés par l’échec.
Les têtus de l’engagement.
Pourtant, malgré leur persévérance, le mariage sonne tout de même le glas de l’amour. Mais ce n’est pas parce que l’amour meurt qu’il ne fait pas naître d’autres sentiments. L'amour se transforme. Il devient alors respect, douce habitude, tendresse.
Ce n’est pas parce que l’on ne s’aime plus que l’on se déteste.
Toutefois, j’ai connu des histoires moins jolies. Des histoires éloignées de celles racontées dans les contes de fées. Par définition, le mariage est l’union légitime de deux personnes dans les conditions prévues par la loi.
Mais le mariage ne se contente pas de deux êtres. Le mariage, c’est une union entre deux familles. Deux cultures.
Deux religions. J’aurai aimé glorifier le mariage interculturel, vous raconter la beauté des noces mixées, vous prouver la force de réconciliation de telles unions.
Mais la richesse de la différence est loin de faire l'unanimité.
Le mariage audacieux devient alors un combat. Un combat sans fin où les êtres aimés s’efforcent de tenir debout.
Vous êtes rejetée. Rejetée pour ce que vous êtes fondamentalement. Sa famille ne veut pas de vous.
Elle trouve votre amour sale.
Impur.
Inconvenable.
Haram.
Sa mère, dame de grands principes, vous souhaite la mort plutôt que vous n’épousiez son fils.
Elle en devient hystérique. Malade. Et n’hésitera pas à jouer la carte de la culpabilité, celle qui vous incitera à vous sentir coupable du malheur que vous lui infliger.
Et votre père, pire que la colère, c’est la déception qu’il exprime. Vous baissez dans son estime. Jamais il n’aurait pu imaginer que sa chère aînée puisse l’affronter de la sorte.
Choisir d’épouser celui qu’il considère comme mécréant. Le mauvais choix. Celui qui la conduira tout droit en enfer. Celui qui aux yeux de sa communauté, le fera passer pour le père qui a mal éduqué sa fille.
Il préfèrera la renier. Se réinventer un monde dans lequel elle n’existe pas.
Et là sonnera le bruit de l’indifférence. La violence du silence.
Vous devenez vide. Votre âme tout entière est brisée. Les normes du mariage finissent par avoir raison de vous. Les amoureux se démunissent et se désunissent. Ils s’éteignent à petit feu tant leur cœur hurle.
Le mariage ravage tout sur son passage. Telle une avalanche, il enterre l’amour des amants. L’amour paternel. L’amour maternel. L’amour fraternel. Les liens sont broyés.
C’est d’une froideur, insoutenable.
Le coupable, c’est le mariage. Mais son œuvre ne s’est pas faite seule. Il est assisté de la peur, de l’intolérance, de la foi, de l’honneur, de la bêtise sans nom... Complices commodes !
Ensemble, ils jouent une cacophonie dont le mariage est le chef d’orchestre.
De sa baguette, il ponctue la dernière note.
C’est lui qui s’arroge le droit de sonner le glas de l’amour.
L’amour est si fragile. Si vulnérable.
Ses détracteurs sont multiples. La routine, les attentes. Les envies, les projets. Il se prend des coups tous les jours. Nous le portons comme un oiseau blessé. Il est fait de tourments. Menace de dépérir chaque minute, chaque seconde. Il nécessite des réajustements perpétuels.
Nous sommes désarmés face à sa force, son intensité.
Il faut tellement de courage pour rester. Pour continuer de s’aimer.
Lorsque l’amour est conditionné, il ne peut triompher. L’amour ne se dicte pas. Il obéit au rythme cardiaque et déroge à l’esprit raisonnable. Se marier, c’est annoncer avec fracas la fin d’une histoire avant même qu’elle n’ait commencé. C’est choisir de se perdre à jamais.
N'est-il suffisamment pas fou d’aimer ? Pourquoi faudrait-il s’infliger de pareilles exigences ?
Je vous en supplie,
Si vous avez la chance de rencontrer l’amour, chérissez-le.
Prenez en soin.
Dorlotez-le.
Ne le condamnez pas.
Ne mettons pas sous la gorge à Cupidon sa propre flèche.
Tant d’amoureux l’ont essayé. Qui, de leur bonheur, ont payé, ce sacrilège.