Difficile à aborder pour une question bateau… La jeunesse est-elle un naufrage ? Oui. Oui, elle l’est. Mais la jeunesse a toujours été un navire en perdition, qui tantôt fait naufrage, tantôt mène sa barque. Les anciens se plaignaient déjà de ce que devenaient les jeunes de leur temps.
«Notre jeunesse aime le luxe, elle est mal élevée, elle se moque de l’autorité et n’a aucune espèce de respect pour les anciens. Nos enfants d’aujourd’hui sont des tyrans.» Non, ce n’est pas de Damso, non, certainement pas de lui, Didier Deschamps ou du Roi Philippe que provient cette citation mais bien de Socrate.
Ce texte a été écrit hier. Il pourra sûrement l’être demain. Il peut certainement l’être aujourd’hui. Mais la jeunesse n’est-elle pas simplement fidèle à ce qu’elle a toujours été : un vent de rébellion, empli de ce dynamisme, celui qui alimente les révoltes, ce zéphyr qui se veut tornade et pousse nos jeunes un peu à l’ouest.
Aux mères houleuses et aux pères écumant de rage.
Oui, la jeunesse est un naufrage. Toutefois, si le bateau coule, ce n’est pas de la volonté de ses passagers ou de son équipage que cela découle. Cela tient plutôt aux conditions auxquelles il est confronté. Aux mères houleuses et aux pères écumant de rage. Aux hauts-fonds qui font toucher le fond. Aux injonctions contradictoires de ses repères, des phares qui, loin de l’éclairer, la laissent effarée, l’emmenant à bâbord, à tribord, lui demandant de choisir un bord. Mais que doit-elle choisir, cette jeunesse finalement esseulée ?
On lui demande de choisir Greta alors qu’on lui offre des Nike fabriquées au Bangladesh.
On lui demande de choisir le féminisme alors que la mini-jupe est traquée dans les écoles comme une sorcière pendant l’Inquisition. Heureusement que Simone veille…
On lui demande de surnager alors que Jack fait la planche.
On lui demande d’arborer un pavillon politique alors que les adultes lui répètent incessamment que le système politique est en rade.
Et de la part de ces mêmes adultes, elle doit entendre qu’elle n’a plus aucune envie. Mais de quoi la jeunesse devrait avoir envie ? Comment pourrait-elle avoir envie de quelque chose ? Ce qui lui reste d’intérêt est traîné de force, est contraint d’effleurer chaque sujet de société, disséminé partout comme un pollen qui devrait féconder tout ce qu’il touche.
On lui assène encore qu’elle ne fait rien. Mais comment faire quelque chose ? La liste des combats qu’elle a à mener à bon port semble interminable.
Le climat, le féminisme avec balance ton port (Anvers ou Rotterdam), la lutte contre les extrêmes, l’indigence des sans-avis, l’exclusion, l’inclusion, la reconnaissance et la tolérance des diverses orientations sexuelles,…
Ses contemporains parlent de lui donner des armes. À quoi bon armer un soldat qui se sent déjà vaincu ? Un soldat qui a la défaite au front. Un soldat qui croit être sa seule armée. La jeunesse devrait se battre pour le monde alors qu’elle croit que le monde se ligue contre elle. Je vous le répète, est-ce utile de donner des armes ? Non. Bien sûr que non. Ce qui lui manque, c’est la combativité. La solidarité des adultes qui doivent se battre avec elle au lieu de l’armer. Le réveil de sa fougue pour qu’elle puisse véritablement être la figure de proue des combats sociétaux.
L’ingrate, la désobéissante, la révoltée mais la soi-disant passive.
Oui, la jeunesse est un naufrage. Et comme d’habitude, la jeunesse dérive. Comme d’habitude, on la bouscule. Comme d’habitude, elle est porteuse d’espoir. Comme d’habitude, elle ne se réveille pas, elle est celle qui écope du mauvais rôle. L’ingrate, la désobéissante, la révoltée mais la soi-disant passive. Comme d’habitude, on lui tourne le dos. Comme d’habitude, tout est gris dehors. Comme d’habitude, elle est laissée face à une vague scélérate. Et on attend d’elle qu’elle la surmonte, qu’elle la conquiert, qu’elle la maîtrise cette vague. Cette déferlante de problèmes qui n’appartiennent pas qu’à elle. La jeunesse est submergée par les tourments d’une société un peu barge qui lui donne le sentiment d’avoir pris le large. Les générations antérieures se sont retirées comme l’eau dénude l’estran avant un tsunami…
La jeunesse ne doit pas faire de vagues, mais elle doit braver la tempête…
La jeunesse a peur d'échouer. Elle ne veut pas être « La Méduse ». Se prendre un radeau… et tomber en rade sur l’eau. La jeunesse est sans passion mais passionnée. Paresseuse mais révoltée. Désinvolte mais inquiète. Elle l’a toujours été et le sera toujours. Un être composé d’oxymores qui la rendent vivante. Une escadre qui, de façon séculaire, voire millénaire, a essuyé les critiques de ceux qui ont échoué avant elle. Une flotte qui file toutes voiles dehors en désirant se voiler la face. Un équipage qui doit garder le cap et en franchir, des caps. Une galère qui doit éviter les récifs et être solide comme un roc.
Oui, la jeunesse est un naufrage, car c’est son propre de l’être.
Depuis toujours, c’est une rescapée. Une survivante qui va gagner à la nage, en nage, la côte de la résignation, de la sagesse, de la maturité, en bref de l’âge adulte.
En échouant, elle aura réussi sa transformation de naufr-jeunes en naufr-âgés.