Après avoir bravé l'attente, le froid et les transports bruxellois, direction Viroinval, dans la province de Namur. Quarante jeunes et neuf formateur·ice·s embarquent dans ce car qui les emmène vers l’inconnu. Le programme a été gardé secret pour que la surprise soit encore plus grande.
Ceci n’est pas juste une expression : iels se sont retrouvé·e·s comme si iels s’étaient quitté·e·s hier. Et pourtant ce hier remonte à plusieurs semaines. Fin novembre, l’ULB les avait accueilli·e·s en son sein pour travailler écriture, slam, argumentation, expression corporelle et prestation scénique. Une première mise en jambe pour entamer les Master Class Réciproque 2022-2023.
Nous voilà donc en février. Premier soir du week-end en résidence, première activité. En amont, chacun·e a dû préparer un texte en s’interrogeant sur son prénom. Une réflexion sur ses origines, sur quelques lettres qui nous déterminent, sur le choix de nos parents, sur ce que représente ce mot par lequel les autres nous interpellent et nous connaissent. Tour à tour, iels prennent la parole. Ensemble, ils s’émeuvent, ensemble, iels rient. La bienveillance est déjà de mise, et l’émulation aussi.
Lendemain matin, les corps endoloris se retrouvent autour du petit déjeuner préparé avec amour par Khaddouj et Naïma. Les jeux de société et autres conversations engagées ont repoussé l’heure du coucher. Qu’importe la fatigue, dès 9h, place aux ateliers ! Iels s’essayent à la mise en récit, à apprivoiser leur respiration, iels suent, iels chantent, iels déclament. Les rires fusent, les mains applaudissent et sincèrement, même les plus timides d’entre elleux commencent à sortir de leur coquille.
Le samedi soir signe le clou du spectacle, c’est peu de le dire : une scène ouverte a été installée pour laisser entendre les voix ! Iels sont si nombreux·ses à vouloir s’emparer du micro. Ornella sublime par son chant, Hamza nous livre un récit personnel, Ana veut danser, Alice tient à déclamer. Ayman s'approprie les mots de Lisette Lombé: "Qui oubliera ? Qu'à un Noir on disait tu..." Difficile de clore la soirée… Iels veulent prolonger l’instant. L’heure est pourtant venue d’éteindre les projecteurs, mais les jeunes, bras dessus, bras dessous, continuent de sauter, de s’unir sur du Abba ou Aya Nakamura. Mais il faut finalement couper le son car demain, une nouvelle journée chargée les attend.
Neuf heures sonnent à nouveau. Dernier lever déjà. Aujourd’hui nous réinterprétons les paroles de chansons, nous entamons une balade philosophique en pleine nature, nous analysons nos tics de langage et nos mimiques. Encore une journée qui s’emballe. Vite, vite, on court après le temps : place à une battle de joutes verbales avant de clôturer le week-end par l’écriture et la déclamation d’un quatrain (cfr. ci-dessous)
Les aiguilles de l’horloge indiquent 17h, déjà. Nous aurions aimé basculer le sablier à l’horizontale, ralentir l’écoulement des grains de sable pour prolonger le moment, mais le bus nous attend et nous devons revenir à nos vies, bien réelles.
Les cœurs et les esprits sont conquis. Iels se sont promis fidélité d’amitié, iels ont appris à oser crier leur hargne et leur amour. Iels sont prêt·e·s pour s’engager sur une route nouvelle : peut-être celle du concours d’éloquence qui se trame en coulisses.
Nous nous reverrons, c’est certain.
Quatrain de fin de Rizlaine Echchaia
Donnez-moi encore un soir, je voudrais encore une nuit blanche à repenser à ce qu’on aurait pu construire ensemble à discuter autour d’une table.
Offrez nous encore une heure pour, auréolé·e·s de victoire, vous remercier, vous, les garant·e·s de notre diversité.
Ne voyez vous donc pas qu’ici un miracle s’est produit, celui de l’union de la bienveillance et de l’amour.
Mais puisqu’il faut partir, laissez-moi vous dire que je vous en veux de nous mentir, nous faire croire qu’à l’extérieur nous constaterons le même traitement.