En cette matinée d’automne, douce et ensoleillée, l’allée aux dalles grises voit défiler des centaines de jeunes gens. Ça grouille, ça fourmille ; des jambes gambadent, des pieds se pressent : vite, le cours va commencer ! Nous sommes au cœur du campus du Solbosch, à l’Université Libre de Bruxelles, et pourtant le lieu dans lequel nous nous rendons se veut intimiste. Rideau noir, sièges de velours rouge, éclairage d’un blanc chaud: bienvenue dans la Salle Delvaux, sur la scène de l’ULB Culture, là où vont se tenir d’ici quelques heures les premières joutes verbales des élèves du secondaire.
Iels se chuchotent appréhensions et confidences au creux l’oreille, iels gribouillent les dernières trouvailles ; les notes comme les encouragements sont prises au vol. Place à la scène, derrière le pupitre, face au public. Deux heures avant cette première prise de parole, iels ont reçu leur question de joute, à défendre ou à contrer. Et pour cette édition 2022, être en faveur ou défaveur n’a que peu de valeur car un thème puissant les ligue, les lie et les unit : l’adelphité. Les questions de ressemblance, d’ignorance et de bonheur font la part belle aux différences, aux absurdités et à l’égoïsme. Même Socrates sera mis à mal… sans pouvoir malheureusement donner de droit de réponse.
Dans les gradins, le public vibre, acquiesce, s’oppose ou s’extasie. Il est ému, il glousse, il piaille. Difficile de se taire face à ses camarades de classe, ces potes qu’on connaît par cœur et qui pourtant aujourd’hui nous semblent si différents. Autre posture, autre mise en scène que celle des bancs de l’école, autres partenaires aussi. Rien n’est semblable au quotidien, et pourtant, iels n’ont puisé que dans leur vécu, dans leurs connaissances, pour échafauder leur discours.
Iels le diront : ensemble, iels respirent. Ensemble, iels ne sont qu’un seul et même corps, tronc commun aux membres pourtant si éparses et si divers. Des éclats de voix viennent fendre les murmures qui se muent en « wow » de sidération, voire d’admiration. « Atténuation n’est pas pardon » ou encore « en faisant le bonheur d’autrui, on ne contribue qu’à notre propre bonheur ». Les réflexions se succèdent. Les idées mûrissent en chacun·e.
Et puis vient le temps des résultats. Qui pourra à nouveau monter sur scène dans 3 semaines pour tenter d’accéder à la finale ? Le jury - composé de Lucas Monton, comédien, et de Marcelle Rabinowicz, Vice-Doyenne de la Faculté d’Architecture de l’ULB – va se concerter. Une courte pause pendant laquelle les équipes se retrouvent, complices et nerveuses, parfois frustrées, parfois fières. Toustes attendent le verdict avec impatience.
Ça y est, le jury a délibéré : les équipes Aristote, Cicéron et Démosthène participeront à la demi-finale le 10 novembre. Dimanche prochain, chaque équipe recevra son sujet et sa position pour ce deuxième combat des mots et des idées. Mais d’ici là, rien n’est joué. Il faut rester soudé·e·s, et comme l’a dit Marcelle Rabonowicz « mettre son savoir et son cœur au service de son éloquence. »